1 - L'origine du projet
Deux choses me gênaient sur la crosse d'origine en plastique: d'une part l'approvisionnement du magasin fixe, entre la lunette et mes gros doigts ça laissait peu de place et ça n'était pas pratique. Et d'autre part, sans appuie-joue réglable trouver une bonne visée régulière m'était difficile (j'ai des groupements corrects mais décalés de plusieurs cm d'une série sur l'autre). Donc mon cahier des charges est simple: magasin amovible et appuie-joue réglable. J'ai bien sur commencé par regardé ce qui existait dans le commerce (entre autre RGM stocks), et sans que les tarifs soient (forcément) délirants, je me suis dit que ça valait la peine d'essayer d'abord de faire soi-même: le coût est vraiment minime, mais surtout, ça permet d'avoir du sur-mesure. Donc la décision est prise (il sera toujours temps de se tourner vers les pros si ça ne marche pas!), le cahier des charges peut s'allonger:
- bipied du type FRF1. J'aime bien l'idée d'un bloc massif qui sert d'appui au tenon de recul et en même temps de point de pivot du bipied. La position reculée me plait bien aussi (je m'y suis habitué avec le StG57).
- fût large et plat pour du tir sur appui genre bench-rest.
- crosse rallongée (j'ai de grands bras).
2 - La réalisation
2.1 Etude et plans
On commence par le choix du matériau, ça sera du contreplaqué aviation pour plusieurs raisons:
- en bouleau ça reste léger.
- c'est très rigide (surtout vu l'épaisseur finale une fois collé!), homogène et stable dans toutes les directions.
- c'est facile à travailler avec de l'outillage courant (cela dit, pour celui qui a accès à une CNC, c'est certainement une bonne solution).
- et enfin, comme on va coller plusieurs épaisseurs, il est possible de pré-assembler l'ensemble, marquer toutes les découpes, démonter et préparer chaque couche individuellement, ce qui facilite encore vraiment les choses.
Ensuite, les mesures: là c'est la fête du pied à coulisse, je mesure tout ce qui me parait utile, diamètres du receveur, canon, entraxes et longueur des vis, etc etc...
On les reporte sur le plan d'origine réalisé grâce à de la haute technologie: une feuille de papier, la carabine posée dessus et on suit le contour avec un crayon!
A partir de là, on reporte sur une nouvelle feuille les éléments clefs (puits de magasin, détente, vis, tenon) et on peut se lâcher sur le "design" pour remplir le reste.
2.2 C'est bien beau tout ça, mais quand est-ce qu'on voit quelque chose de concret?
Il est en effet temps de sortir les outils!:
-scie
-rabot
-perceuse et forets
-ciseau à bois
-lime
-papier de verre
-marteau et pointeau
-serre-joints
Et c'est tout!
D'abord, un gabarit pour la découpe des pièces: report de notre "design" sur une nouvelle feuille, collage sur un vieux calendrier, découpage propre.
Puis un petit détail, mais important: on sait qu'on va démonter et remonter plusieurs fois nos pièces avant collage, il faut donc garantir leur positionnement exact à chaque fois. On sait aussi qu'il faudra percer un gros trou pour le support de bipied donc autant s'en servir à notre avantage! On va se servir du gabarit pour aussi marquer le centre du perçage (et en rajouter deux autres plus petits au passage). Ainsi, avec trois axes transversaux on est sur du positionnement.
La découpe et le perçage ne posent aucun problème particulier (on prend juste soin de couper à environ 1 mm du trait pour avoir un peu de marge) et on se retrouve avec un joli petit tas de planches.
Autre petit détail: les plaques de CP ne sont pas assez longues pour certaines pièces. Aucun problème, on découpe la dite pièce en deux morceaux en prévoyant un recouvrement sur chaque, on y fait un biseau et on colle. La longueur du biseau doit être de 3 à 5 fois l'épaisseur, donc ici pour du CP de 8 mm entre 24 et 40 mm. Pour la coupe le plus simple c'est au rabot et c'est très rapide. Truc pratique aussi pour les collages: une vulgaire planche percée avec notre gabarit pour tenir nos axes transversaux, ce qui garantit que tout reste bien droit et aligné.
Ensuite, avec les pièces assemblées avec les axes et tenues avec des serre-joints, on perce les emplacements des vis. C'est ce qui servira de référence et qui permet de présenter le pontet et d'en tracer le contour, idem pour l'action. Puis on démonte, on enlève du bois, on remonte, on représente pontet et action, on regarde là-où-que-ça-coince, on re-marque, on re-démonte, on re-enlève, etc etc... On l'a bien compris, c'est l'étape la plus longue et la plus chi*nte. Au final ça permet quand même d'avoir un bon ajustement.
Il ne reste plus grand chose à faire: découpe de l'appuie-joue, insertion d'une vis de 10, de deux tiges de 5 et collage.
Découpe d'une fenêtre pour y glisser une grosse rondelle en chêne avec un écrou encastré dedans.
Puis collage final et mise en forme (au rabot, c'est un outil incroyable tellement c'est facile et rapide, même pour les arrondis).
Ah, il faut aussi penser à la poignée! Je pense qu'une poignée du commerce serait très bien, mais bon, tant qu'à faire du custom... Donc c'est parti, deux chutes de plancher chêne collées, perçage des empreintes de doigts, rabotage... Puis elle est collée provisoirement au double face pour trouver la bonne distance par rapport à la détente et vissée à l'endroit retenu.
Dernière chose, le support bipied-tenon de recul:
Et enfin, ponçage final et finition. Comme j'aime bien le naturel, j'ai juste appliqué un mélange classique essence de térébenthine/huile de lin/cire d'abeille. Un petit morceau de cuir est collé sur l'appuie-joue et la plaque de couche.
3 - Bilan (provisoire)
3.1 Sur le plan financier
Je ne compte pas l'outillage puisque j'ai utilisé ce que j'avais en stock.
En fourniture il y a donc:
-le CP avia: 3 feuilles à 8 euros 80 pièce
-le pontet: Magpul de chez Armeca (service impeccable, merci!) à 120 euros
-le bipied: de famas, sur un site bien connu à 50 euros
soit un total de 196 euros 40
3.2 Sur le plan personnel
Déjà c'est gratifiant!
Pas de grosses difficultés, en ayant pas trop mal préparé les étapes de travail. Ca m'a pris pile un mois en y travaillant à peu près tous les soirs à raison de 30 à 45mn, soit un total approximatif d'une vingtaine d'heures. C'est sympa de voir rapidement l'évolution.
Et au final on apprend pas mal, et pas seulement de façon purement intellectuelle. Ca permet d'avoir un autre regard et d'être moins critique sur les produits commerciaux!
3.3 Sur le pas de tir (bah oui, c'est quand même un peu le principal!)
Ce qui fonctionne bien:
-la mécanique: pas de jeu, pas de points durs nulle part, ça c'est bon!
-la prise en main: la prise de la main gauche sur l'arrière de la crosse était un peu juste, j'ai du en recouper un petit morceau. La poignée tombe juste bien (en même temps c'est un peu le but de faire du custom!). A noter qu'elle est décentrée et inclinée.
-la fixation du bipied: sa position fait qu'en position replié le dessous du fût est bien dégagé, ce qui était le but.
Ce qui fonctionne moyennement:
-la plaque de couche: le cuir n'est pas du tout du tout amortissant, ça surprend la première fois! Une prise un peu plus ferme règle le problème.
-la hauteur du bipied: ça je m'y attendais, c'est juste perturbant par rapport aux habitudes prises. Ca oblige à se forcer à retravailler consciemment sa position mais je pense que ça passera. Et puis au moins ça permet de faire passer un chargeur de 30!
-l'appuie-joue: comme j'ai rallongé la crosse il se trouve reculé par rapport au "plan" de départ, ce qui fait qu'on a la tête très sur l'avant de l'appuie-joue. On arrive à avoir un bon placement confortable et répétable mais là aussi c'est perturbant.
Ce qui ne fonctionne pas du tout:
-les trous trous dans la cible: alors là c'est la grosse cata! On passe d'un groupement de 2 cm à 10 voire 15 cm. Je pense que la cause en est l'axe support de bipied qui n'est pas collé et qui doit subir de gros effort avec le bras de levier important des pieds. Il va sans doute falloir que je le remplace par une version acier (ce que j'avais prévu à l'origine mais pas fait pour cause d'usinage pénible!). Bref, du démontage et de l'analyse en perspective, mais bon, comme je le disais plus haut c'est en comprenant ses erreurs qu'on devient moins bête! Autre piste, j'ai toujours la possibilité de faire un bedding si nécessaire.
Et en attendant il me reste à tester en appui sur le fût (j'avais pas prévu assez de munitions) mais je suis plutôt confiant là dessus. A suivre donc...
S'il y a des questions ou des commentaires constructifs, n'hésitez pas!
Et j'espère que cela vous donnera envie d'essayer aussi!