Romanlleu a écrit:Voilà, je vous propose un post pour faire une synthèse des opinions sur le FAMAS. En effet, on trouve différents échos à son sujet et notamment sur les raisons de son obsolescence et de son abandon par l'armée française.
Quelles sont ses qualités et quels sont ses défauts et notamment ceux qui ont mené à son abandon?
je vous lis.
L'histoire est assez simple.
Après une évaluation des matériels existants en 1962, l'armée de terre propose l'adoption du FN FAL, refus du ministre.
Après une évaluation des matériels existants en 1973, l'armée de terre propose l'adoption du HK33, ou éventuellement de la FN CAL si les Belges acceptent d'acheter du Mirage F1, refus du ministre, mais l'armée de terre met en avant le fait que les 49/56 sont vieillissants, et qu'il faut très rapidement les remplacer par un armement en 5,56 mm.
La MAS travaille sur le sujet et quasiment tous les ans une nouvelle version du FAMAS (A3, A4, A5, A6...) est proposée, et est rejetée par les forces après évaluation comparative.
En 1976, la version A7 donne enfin toute satisfaction, et démarre l'évaluation OTAN des nouveaux armements de petit calibre, où tout le monde y va de sa proposition.
Le FAMAS se comporte bien durant ces essais et il est adopté en 1977 avec sa cartouche de 5,56 mm F1 (puis très vite F1A) équivalente à la M193 US. En parallèle se poursuit l'évaluation OTAN et en 1979, la commission recommande l'adoption de la famille SS-109 de cartouches de 5,56 mm. Le STANAG sort en 1982.
Au cours de ces essais, le G11 de chez HK fait preuve de son absence de maturité, mais semble aussi indiquer le chemin à suivre.
Dès lors, le FAMAS est considéré comme un matériel de transition, en attendant le développement de fusils à munitions sans douilles, développement annoncé comme "terminé" pour la fin de la décennie.
Les travaux sur le FAMAS MSD pour "Munitions Sans Douilles" commencent vers 1984 et continuerons jusqu'au début des années '90, au moment où il est clair pour tout le monde que c'est une impasse technique.
Durant cette décennie, le FAMAS commence ses livraisons.
Au début des années '80, plusieurs états du Maghreb ont contactés la MAS pour un achat de l'ordre de 400 000 fusils, alors que la MAS était en train de préparer la production de 360 000 fusils pour l'armée Françoise, production qui occupait ~100% de sa ligne de production pour les 10 années de production prévus.
La MAS a donc été voir l'état major pour savoir s'il était possible de décaler des livraisons et passer des lots à destination de l'export entre les livraisons pour son client historique. Réponse de l'état-major : "non, on a besoin de 360 000 fusils livrés en 10 ans maxi", on se rappelle qu'en 80-81, la tension entre les deux blocs était assez élevée, et l'état-major attendait ce fusil depuis presque 10 ans, donc attendre encore n'était pas concevable.
La MAS a ensuite été voir son actionnaire (l'état), pour demander la mise en place d'une seconde chaîne de production pour les besoins export. L'état a demandé ce qui allait arriver à la centaine d'ouvriers d'état qu'il fallait recruter pour opérer cette seconde chaîne de production une fois le besoin export couvert, réponse de la MAS : "et bien il faudra les payer pendant encore 35 ans", donc refus de l'état d'ouvrir une seconde chaîne de production.
L'état a ensuite été voir Manurhin qui fabriquait sous licence des HK et des SIG pour faire fabriquer les FAMAS export par cette boutique. Les tractations avançaient bien jusqu'à ce que les syndicats de la MAS s'en mêlent, il était inconcevable qu'une arme développée par une manufacture d'état soit fabriquée par le privé pour le besoin export, c'était soit une seconde chaîne de production à la MAS avec embauche d'ouvriers d'état, soit rien.
Au final, ce fut rien.
La production des F1 s'est terminée autour de 1989, puis une version simplifiée et améliorée (G2) a été adoptée par la Marine ce qui a du pousser la fin de la production vers 1992, sachant que le besoin de remplacement n'était pas envisagé avant 10-15 ans, sans aucune commande et aucun moyen d'entretenir l'outil industriel.
Donc, la raison principale de l’obsolescence du FAMAS, c'est l'absence de débouchés exports pour maintenir en état un outil de production, plus le fait qu'il fallait "gagner les dividendes de la paix" durant les années '90 et que le format de l'armée a été très largement réduit, donc l'AdT avait des centaines de milliers de FAMAS neuf, et plus de besoin de maintenir une conscription à 400 000 hommes.
Du point de vue du fusil, le FAMAS n'a que les défauts de ses qualités.
- Il est plus lourd que la plupart des autres fusils, mais il est aussi plus robuste pour pouvoir encaisser le tir de 400 grenades à fusil.
- Il a été conçu comme un système "complet", son ergonomie a été optimisée pour "l'appelé de 1975" à une époque où c'est le soldat qui s'adaptait à son arme, et pas le contraire, donc exit le 5ème percentile féminin de 2015. Idem pour la ligne de visée, il a été établi que l'optimum se trouvait à 95 mm au dessus de l'axe du canon, ce qui fait que dès qu'on essaye de monter une optique celle-ci se trouve beaucoup trop haut par rapport à l'appui-joue.
- Le fusil a été conçu autour de la M193 et de son pas de 12'', pas de bol la SS-109 nécessite un pas de 9" pour être correctement stabilisée. L'Etat major s'est demandé durant toutes les années '80 s'il fallait recanoner les FAMAS, mais recanoner des armes neuves n'était pas une priorité, puis dans les années '90 il n'y avait plus d'argent pour le faire.
- Le fusil a aussi été conçu à une époque où la durée de vie du fantassin sur le champ de bataille était de l'ordre de 20 minutes, du coup la durée de vie exigée pour l'arme est assez faible, la spécification technique de besoin ne demande qu'une durée de vie de 6000 coups. Heureusement, les canons ont tenus beaucoup plus longtemps que cela mais après 15 000 - 16 000 coups il n'est pas étonnant d'avoir des canons totalement rincés, alors qu'ils n'étaient censés tenir que 6 000 coups.
Bref, le FAMAS est une arme fiable, robuste et précise, mais après >30 ans de service il est normal de rencontrer des exemplaires totalement rincés.